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La demande préalable et obligatoire de rétrocession d’un bien exproprié n’interrompt pas le délai trentenaire pour agir en rétrocession : Cour de cassation, 3ème chambre civile, 19.09.2024, n°23-20.253, publié au Bulletin.

Publié le : 05/02/2025 05 février févr. 02 2025

En matière de demande de rétrocession d’un bien exproprié, la question de savoir si le délai de deux mois (prévu par le Code des relations entre le public et l'administration) interrompt (en application du Code civil) le délai trentenaire (exigé par le Code de l’expropriation) d’une demande de rétrocession, vient enfin d’être tranchée.

Il est vrai que l’articulation de divers textes susceptibles de s’appliquer en la matière présentait pour les plaideurs un réel intérêt contentieux quand, comme cela était le cas dans cette affaire, une assignation en demande de rétrocession, consécutive à la demande préalable et obligatoire adressée en ce sens dans le délai trentenaire, avait été néanmoins délivrée à l’expiration dudit délai.

Tout d’abord, dans le Code de l’expropriation, l’article L.421-1 du Code de l’expropriation dispose que :
Si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d’utilité publique.

L’article R.421-6 dudit code ajoute que :
Le tribunal judiciaire est compétent pour connaître des litiges nés de la mise en œuvre du droit prévu à l’article L. 421-1, lorsque la contestation porte sur le droit du réclamant.
Le recours est introduit, à peine de déchéance, dans le délai de deux mois à compter de la réception de la notification de la décision administrative de rejet.

Ensuite, selon l’article L.411-2 du Code des relations entre le public et l'administration :
Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai.
Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l'exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l'égard de la décision initiale que lorsqu'ils ont été l'un et l'autre rejetés.


Enfin, l’article L.2241 alinéa 1er du Code civil dispose que :
La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

La réponse de la Cour de cassation à cette question complexe est parfaitement limpide :
7. En premier lieu, la demande préalable de rétrocession adressée à l'autorité expropriante ne constituant pas un recours gracieux ou hiérarchique contre une décision administrative, au sens de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration, ce texte ne lui est pas applicable.
8. En second lieu, ne constituant pas une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil, elle n'est pas interruptive du délai de prescription trentenaire.
9. Il en résulte que l'action judiciaire en rétrocession doit être engagée dans le délai de deux mois à compter de la réception de la notification de la décision administrative de rejet et dans le délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation.

Ainsi, une assignation en rétrocession doit, à peine d’irrecevabilité, être formée dans le double délai :
  • de deux mois à compter de la décision de refus de l’administration de procéder à la rétrocession à la suite d’une demande en ce sens de l’exproprié,
  • de trente ans à compter de la date de l’ordonnance d’expropriation.

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