L’installation d’une crèche de la nativité dans l‘hôtel de ville de Béziers en décembre 2014 était bien illégale
Auteur : Régis CONSTANS
Publié le :
06/04/2017
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04
2017
Pour faire suite à l’évolution de la jurisprudence relative aux crèches installées par des élus dans les locaux municipaux, la Cour administrative d’appel de Marseille vient de censurer – plusieurs années après – ce qui pose la question de l’effectivité des décisions de Justice en la matière, la décision d’installer une crèche prise par le maire de Béziers, en décembre 2014.
Ce faisant, la Cour administrative d’appel de Marseille a mis en application les critères récemment dégagés par le Conseil d’Etat pour annuler le jugement du Tribunal administratif de Montpellier qui lui était soumis par la Ligue des droits de l’homme.
Par un arrêt du 9 novembre 2016, le Conseil d’Etat a apporté aux juges du fond qui seront appelés à juger de telles affaires, des critères d’appréciation.
Procédant à une analyse circonstanciée des faits, le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de la loi de 1905 « qui ont pour objet d’assurer la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes, s’opposent à l’installation par celles-ci, dans un emplacement public, d’un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d’un culte ou marquant une préférence religieuse. Elles ménagent néanmoins des exceptions à cette interdiction. Ainsi, est notamment réservée la possibilité pour les personnes publiques d’apposer de tels signes ou emblèmes dans un emplacement public à titre d’exposition. En outre, en prévoyant que l’interdiction qu’il a édictée ne s’appliquerait que pour l’avenir, le législateur a préservé les signes et emblèmes religieux existants à la date de l’entrée en vigueur de la loi ».
Cela a conduit la Haute Juridiction à constater qu’« une crèche de Noël est une représentation susceptible de revêtir une pluralité de significations. Il s’agit en effet d’une scène qui fait partie de l’iconographie chrétienne et qui, par là, présente un caractère religieux. Mais il s’agit aussi d’un élément faisant partie des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement, sans signification religieuse particulière, les fêtes de fin d’année ».
Dès lors, « eu égard à cette pluralité de significations, l’installation d’une crèche de Noël, à titre temporaire, à l’initiative d’une personne publique, dans un emplacement public, n’est légalement possible que lorsqu’elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse. Pour porter cette dernière appréciation, il y a lieu de tenir compte non seulement du contexte, qui doit être dépourvu de tout élément de prosélytisme, des conditions particulières de cette installation, de l’existence ou de l’absence d’usages locaux, mais aussi du lieu de cette installation. A cet égard, la situation est différente, selon qu’il s’agit d’un bâtiment public, siège d’une collectivité publique ou d’un service public, ou d’un autre emplacement public ».
En conséquence, « dans l’enceinte des bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public, le fait pour une personne publique de procéder à l’installation d’une crèche de Noël ne peut, en l’absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, être regardé comme conforme aux exigences qui découlent du principe de neutralité des personnes publiques » mais, qu’« à l’inverse, dans les autres emplacements publics, eu égard au caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année notamment sur la voie publique, l’installation à cette occasion et durant cette période d’une crèche de Noël par une personne publique est possible, dès lors qu’elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse » (CE, 9 novembre 2016, commune de Melun, n° 395122).
La Cour administrative d’appel de Marseille, mettant en œuvre cette méthode d’analyse, a donc jugé :
« 11. Considérant qu’en l’espèce, la crèche de la nativité a été installée dans le hall d’accueil de la mairie ; qu’elle représente Marie et Joseph accompagnés de bergers à côté de la couche de l’enfant Jésus ; que l’installation de cette crèche dans l’enceinte de ce bâtiment public, siège d’une collectivité publique, ne résultait d’aucun usage local et n’était accompagnée d’aucun autre élément marquant son inscription dans un environnement culturel, artistique ou festif ; qu’il s’ensuit que le fait pour le maire de Béziers d’avoir procédé à cette installation dans l’enceinte d’un bâtiment public, siège d’une collectivité publique, en l’absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, a méconnu l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques » (CAA Marseille, 3 avril 2017, n° 15MA03863).
Il y a donc ici une confirmation de l’illégalité commise par la Ville de Béziers par la décision d’installer une crèche de la nativité, dans le hall de l’hôtel de ville.
Toutefois, l’on ne peut encore que déplorer que cet arrêt intervienne plusieurs années après les faits.
Le débat devant les juridictions administratives n’a donc aucune efficacité pratique et les décisions de Justice, rappelant des principes essentiels, n’interviennent que plusieurs mois, voire plusieurs années après que les crèches aient été enlevées, pour simplement observer que le Droit n’a pas été respecté.
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