De l’impossibilité de bénéficier d’une autorisation tacite d’occupation du domaine public
Auteur : Benjamin Beauverger
Publié le :
17/03/2016
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Aux termes de l’article L. 2122-1 du Code Général de la propriété des personnes publiques :
« Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L.1 ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous »
La question a pu être posée de savoir s’il était nécessaire d’obtenir une autorisation expresse d’occupation, ou si ladite autorisation pouvait résulter d’une autorisation tacite.
Le Conseil d’État s’est déjà prononcé sur cette question par un arrêt du 21 mars 2003 aux termes duquel il a précisé que :
« Considérant, en second lieu, qu’ainsi que l’a rappelé la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, un régime de décision implicite d’acceptation ne peut être institué lorsque la protection des libertés ou la sauvegarde des autres principes de valeur constitutionnelle s’y opposent ; qu’en vertu de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, auquel se réfère le Préambule de la Constitution, la protection du domaine public est un impératif d’ordre constitutionnel ; que le pouvoir réglementaire ne pouvait donc légalement instaurer un régime d’autorisation tacite d’occupation du domaine public, qui fait notamment obstacle à ce que soient, le cas échéant, précisées les prescriptions d’implantation et d’exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie »
C.E., 21 mars 2003, n° 189191, Synd. Intercom. De la Périphérie de paris pour l’électricité et les réseaux de communication de Paris, Rec. Lebon, p. 144
Par un arrêt du 19 juin 2015, la haute juridiction a rappelé sa jurisprudence en la matière.
Les faits de l’espèce étaient les suivants :
La société immobilière du port de Boulogne (SIPB) a donné en location un entrepôt édifié sur le terre-plein central du môle Ouest de la darse Sarraz-Bournet dans le port de Boulogne-sur-Mer.
En 2008, elle a informé la chambre de commerce et d’industrie de Boulogne-sur-Mer Côte d’Opale, gestionnaire du port, de son intention de reprendre directement la gestion de cet entrepôt.
La CCI lui a répondu qu’elle occupait irrégulièrement le domaine public portuaire et que de ce fait, elle ne pouvait se prévaloir de la qualité de propriétaire du dépôt objet du litige.
La cour administrative d’appel de Douai a, par un arrêt du 2 mai 2013, rejeté comme irrecevables les conclusions de la SIPB tendant à obtenir la réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi sur les terrains quasi-contractuel et quasi-délictuel aux motifs suivants :
« Considérant que la demande de la SIPB SAS devant le tribunal administratif de Lille tendait exclusivement à mettre en jeu la responsabilité contractuelle de la chambre de commerce et d’industrie de Boulogne-sur-Mer Côte d’Opale ; que si, devant la cour, elle invoque également à l’appui de sa requête, d’une part, l’enrichissement sans cause de l’établissement public qui serait résulté pour lui de la construction, sur son domaine, d’un hangar qu’il souhaite désormais exploiter et, d’autre part, la faute commise par la chambre de commerce et d’industrie de Boulogne-sur-Mer Côte d’Opale en ne signant pas le projet de contrat dont il s’agit tout en la laissant construire le bâtiment en cause, de telles demandes, fondées sur des causes juridiques distinctes des conclusions présentées en première instance, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables » (C.A.A. de DOUAI, 2 mai 2013, n° 12DA01360)
Le Conseil d’État, saisi du litige, a profité de cette occasion pour rappeler sa position en matière d’autorisations domaniales dans les termes ci-après :
« Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public ; qu’eu égard aux exigences qui découlent tant de l’affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l’existence de relations contractuelles en autorisant l’occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l’autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales ; qu’en conséquence, une convention d’occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit » (C.E., sect. 19 juin 2015, n° 369558, société immobilière du Port de Boulogne).
Cet arrêt n’obère en revanche pas le régime de la reconduction tacite des titres domaniaux, sous réserve que l’occupant soit en possession d’une autorisation originelle expresse en bonne et due forme.
L’on appréciera également que la juridiction est malgré tout venue au soutien de la société requérante en considérant que la société requérante était bien fondée à solliciter l’annulation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel au motif que:
« lorsque le juge, saisi d’un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d’office, l’absence ou la nullité du contrat, les parties qui s’estimaient liées par ce contrat peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l’enrichissement sans cause que l’application du contrat par lequel elles s’estimaient liées a apporté à l’une d’elles » (C.E., sect, 19 juin 2015 précité).
La Cour administrative d’appel, en considérant que l’invocation de l’enrichissement sans cause par la société SIPB pour la première fois en cause d’appel rendait ses conclusions irrecevables a donc commis une erreur de droit
Au surplus, dans la mesure où le gestionnaire du domaine public avait trompé la confiance légitime de l’occupant en acceptant spontanément les redevances versées, lui laissant ainsi croire qu’il pouvait occuper le domaine public, avait engagé sa responsabilité qui ne pouvait être, en l’absence de convention, que délictuelle, en l’espèce fondée sur un enrichissement sans cause de l’autorité publique.
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